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octave crémazie

Victor Hugo, que le beau, c’est le laid, mais je crois qu’il n’y a que le mal qui soit laid d’une manière absolue. La prairie émaillée de fleurs est belle, mais le rocher frappé par la foudre, pour être beau d’une autre manière, l’est-il moins ?

« Toute cette guerre que l’on fait au réalisme est absurde. Qu’est-ce donc que ce monstre qui fait bondir tant de braves gens ? C’est le 89 de la littérature qui devait nécessairement suivre le 89 de la politique ; ce sont toutes les idées, toutes les choses foulées aux pieds, sans raison, par les privilégiés de l’école classique, qui viennent revendiquer leur place au soleil littéraire ; et soyez sûr qu’elles sauront se la faire tout aussi bien que les serfs et les prolétaires ont su faire la leur dans la société politique.

« Le réalisme, la fantaisie, est-ce qu’ils n’ont pas pour chefs Shakespeare, Dante, Byron, Gœthe.

« Ézéchiel, le plus poétique, à mon avis, de tous les prophètes, n’est-il pas tantôt un magnifique, un divin fantaisiste, et tantôt un sombre et farouche réaliste ?

« La fantaisie, elle est partout. Le monde intellectuel et moral nous fournit à chaque instant matière à fantaisie, ou si vous l’aimez mieux, à hypothèse, car tout ce tapage n’est qu’une querelle de mots. La foi et la raison nous apprennent l’existence d’un lieu de punition éternelle pour les méchants et d’un séjour de délices sans fin pour les élus. Mais sous quelle forme de souffrance le damné doit-il expier ses crimes ? Comment se manifestent la bonté et la grandeur de