Page:Crémazie - Œuvres complètes, 1882.djvu/501

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

503
dernières lettres.

À côté de la cathédrale, on trouve la statue en bronze que les Orléanais, en 1859, ont élevée à leur concitoyen Pothier. Sa statue en marbre est aussi dans la salle des pas-perdus du palais de justice. On montre encore, dans la rue de la Préfecture, la vieille maison où naquit et mourut le grand jurisconsulte. La famille de Pothier existe encore à Orléans.

Celui qui porte aujourd’hui ce nom illustre est une espèce de bohème qui mène une vie de polichinelle. Sa mère, en mourant, lui a laissé une rente de 300 francs par mois dont il ne peut engager le capital. Le notaire lui payant cette rente le premier de chaque mois, le descendant de l’auteur du Contrat de mariage fait la noce pendant une dizaine de jours, et, quand il n’a plus le sou, il s’engage comme domestique pour vivre en attendant les 300 francs du mois suivant. Je l’ai vu passer sur le Mail. C’est un homme d’une cinquantaine d’années. Il porte des pantalons de toile bleue et une blouse jadis blanche, presque noire aujourd’hui, sur la tête, une casquette crasseuse. Sa figure haute en couleur semble annoncer que le propriétaire d’icelle aime à vider bouteille. Du reste, c’est, dit-on, la meilleure nature du monde, très charitable et donnant avec autant de plaisir vingt sous à un malheureux, qu’un franc pour une bouteille de vin. Il a fait de très bonnes études. Il aurait pu s’établir à Orléans comme avocat et faire un brillant mariage. À cette vie tranquille et honorable, il a préféré la vie aventureuse du bohème. Il a fait le tour de la France