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dernières lettres.

Tout cela ne présage rien de gai pour l’avenir. Et nous ne sommes qu’au prologue. Tant que la garde nationale ne sera pas désarmée, nous aurons l’émeute à jet continu. Non seulement la voyoucratie des faubourgs est armée jusqu’aux dents, mais elle possède encore quatre cent quatre-vingt-onze canons et mitrailleuses, sans compter un certain nombre d’obusiers. Il faudra donc que la province, comme aux journées de juin 1848, vienne livrer bataille dans les murs mêmes de Paris, à l’anarchie qui menace de faire de la France une seconde Pologne. La lutte sera formidable. Je crois que la lutte définitive restera aux partisans de l’ordre, mais au prix de quels sanglants sacrifices, Dieu seul le sait !

Le comité central, désespérant d’entraîner la France dans la voie républicaine, veut faire des grandes cités, Paris, Lyon, Bordeaux, Marseille, etc., des villes libres comme Hambourg, Brème, Lubeck, etc. Ce serait tout simplement le démembrement à l’intérieur après le démembrement de la frontière par la Prusse. En attendant, la Prusse tient tout le nord de Paris sous le feu de ses canons. On doit payer cinq cent millions le 1er avril. On comptait, pour se procurer cette somme, sur les banquiers étrangers. L’anarchie qui règne depuis dix jours a considérablement refroidi la confiance des capitalistes anglais et hollandais. Si, le 1er avril, les Prussiens n’ont pas reçu le demi-milliard qui leur est dû, ils seront dans leur droit en entrant dans Paris. On parle déjà du prince Frédéric-Charles