Page:Crémazie - Œuvres complètes, 1882.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

475
dernières lettres.

Elles étaient réellement admirables, ces pauvres femmes qui, par des froids de quinze degrés, faisaient la queue pendant quatre et cinq heures pour obtenir une demi-livre de pain noir et deux onces de cheval, sans murmurer, sans se plaindre, espérant toujours, toujours, que tant de sacrifices sauveraient la patrie.

Les crétins doublés de coquins qui régnaient à l’Hôtel de Ville n’ont rien su faire de l’admirable dévouement de la population parisienne. Elle est bien lourde la responsabilité qui pèsera dans l’histoire sur les hommes du 4 septembre. Si Paris avait fait pour Palikao la moitié des sacrifices qu’il a faits pour le gouvernement provisoire, je suis certain que le vainqueur de la Chine aurait sauvé la situation.

Gambetta, en voulant jouer au Danton et terroriser la province, a tout perdu. Les départements ne sont point républicains et ne veulent pas se faire tuer pour la plus grande gloire de la république une et indivisible. Car, il ne faut jamais oublier que, dans cette pauvre France, on est toujours plus partisan que patriote. Les seuls qui se soient conduits comme des patriotes et battus comme des héros, ce sont les zouaves pontificaux, qui appartiennent presque tous à la vieille noblesse et au parti légitimiste.

Pour les républicains de la veille, ce sont d’effrontés bavards qui redoutent avant tout les champs de bataille. Ils prennent volontiers des canons chez le marchand de vins, mais jamais ils n’attaquent ceux des Prussiens.