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dernières lettres.

intense et nous n’en souffrons plus maintenant. Cependant ma chambre, qui n’a pas été chauffée depuis la fin de novembre, est toujours froide comme une glacière, et je vous écris ces lignes chez mon ami le lieutenant de mitrailleuses, celui avec qui j’ai assisté à la bataille du 13 octobre. Comme, depuis l’amnistie, il a quitté la caserne du quai de l’Alma pour revenir à sa chambre de la rue de l’Entrepôt, il a emporté avec lui le bois que lui accorde le gouvernement, en sa qualité d’officier. Quand je veux me chauffer un brin, je vais fumailler une pipe avec lui. Pendant que je vous écris ces lignes, il est occupé à ranger une collection d’obus et de cartouches de toute espèce, en souvenir du siège de Paris. Je l’entends qui murmure : « Tas de filous que ces républicains ! Ils nous ont mis dans un joli pétrin. Si vos républicains d’Amérique sont comme les nôtres, ça doit être du propre votre pays ! » Comme Pandore, dans les Deux Gendarmes, je lui réponds :

« Brigadier, vous avez raison. »


Il éclate de rire et recommence son petit train-train d’obus et de cartouches.

Je suis bien heureux de l’avoir, car il m’est impossible d’acheter du bois pour deux raisons, la première, c’est que je garde les quelques sous que j’emprunte pour manger, la seconde, c’est que nous ne sommes pas encore ravitaillés sous le rapport du combustible et que le bois se vend encore huit francs le cent kilos.

Jusqu’au 19 décembre, j’ai écrit chaque jnur mon