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dernières lettres.

nières lettres portaient la date du 2 septembre, et l’ennui d’avoir fait et de faire encore des dettes pour vivre, je ne me trouverais pas trop mal, vu les circonstances. Comme tout le monde, j’ai maigri beaucoup, mais c’est un tout petit malheur.

M. G. B. m’a bien prêté cent vingt-cinq francs, mais, comme il m’a dit qu’il était très gêné lui-même, je n’ai pas osé lui en demander davantage. Quelques amis sont venus à mon secours, et, comme dès les premiers jours de l’investissement, le gouvernement a décrété que les loyers, chambres, garnis ou appartements non meublés, ne seraient payés qu’après la fin de la guerre, je me suis dispensé de payer ma chambre pendant les quatre derniers mois. J’ai donc pu vivoter, mais en tirant le diable par la queue, et je puis vous assurer que la susdite queue était parfois joliment rude. Remarquez que cette cuisine digne des sorcières de Macbeth, coûtait le double du bœuf et du mouton dans les temps ordinaires.

Le froid, très rigoureux cet hiver, nous a aussi fait beaucoup souffrir. Les pauvres diables comme moi ne pouvaient pas payer le bois deux sous la livre. Force nous était donc de nous réchauffer à la flamme du patriotisme. C’est très beau dans une proclamation, mais cette flamme sacrée vous laisse joliment grelotter quand vous êtes seul, en tête à tête avec elle, au coin de votre cheminée qui n’a pas vu de feu depuis plusieurs mois.

Vers le milieu de janvier, le froid est devenu moins