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journal du siège de paris.

se moquaient de la discipline et disaient hautement qu’un citoyen n’était pas un esclave, pour obéir aux officiers qui n’étaient que les suppôts du tyran. C’est ce qui vous explique les onze cents « non » donnés à la caserne du Prince-Eugène, lors du plébiscite du 8 mai. Après les désastres de Forbach et de Reichshoffen et les journées glorieuses mais inutiles de Gravelotte, Mars-la-Tour et Borny, la discipline cessa d’exister dans l’armée de MacMahon. Dans les batailles des 29, 30 août et 1er septembre, sous les murs de Sedan, les soldats, surtout les régiments de Paris, refusaient d’obéir à leurs officiers et leur jetaient de la boue à la figure. C’est à cet esprit de révolte qu’il faut attribuer, plus encore qu’aux canons d’acier, la capitulation de Sedan. Il est juste de remarquer que les régiments qui n’étaient jamais venus à Paris surent obéir jusqu’au bout aux ordres de leurs chefs.

En examinant la conduite de la gauche pendant les quatre dernières années de l’empire, je trouve que Jules Favre, Gambetta et Cie ont fait à Napoléon III le même genre de guerre que Thiers a fait à Guizot de 1840 à 1848. L’historien du Consulat et de l’Empire voulait bien démolir le ministère Guizot, mais il ne songeait nullement à renverser le trône de Louis-Philippe. Et lorsque, le 24 février, la révolution eut balayé le roi citoyen et son ministre Guizot, Thiers fut effrayé autant que désolé d’avoir trop bien réussi. Ainsi, Jules Favre et Cie voulaient bien démolir l’empire, mais ils ne songeaient pas à mettre en péril les