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journal du siège de paris.

PENDANT L’ARMISTICE.

Les premiers jours qui suivent la signature de l’armistice n’apportent aucun soulagement à notre détresse. Les chemins de fer sont coupés, les routes effondrées, les mines françaises et prussiennes ont fait sauter les ponts. Il faut au moins huit jours pour raccorder les rails et jeter des tabliers en bois sur les arches des ponts. Les avant-postes prussiens profitent de ces quelques jours pour faire un commerce de victuailles qui leur rapporte gros, attendu que ce qu’ils vendent a été volé aux malheureux paysans de la Beauce, de la Normandie et de la Brie.

À Saint-Denis, à Saint-Cloud, à Versailles, on peut acheter un poulet pour 12 francs, du mouton à 4 francs la livre, des œufs à 50 c. pièce, du pain blanc à 75 c. la livre. Les personnes à l’aise peuvent donc, dès le 30 janvier, se nourrir d’une manière substantielle. L’immense majorité de la population, composée de gens dont les ressources épuisées ne permettent pas de faire de grosses dépenses pour la nourriture, est obligée d’attendre le ravitaillement général pour améliorer son ordinaire. Le 5 février, je mange du pain blanc. Jamais gâteau ne m’a fait autant de plaisir. Le 10 février, je mange enfin un morceau de bœuf bouilli. C’est joliment bon quand pendant près de trois mois on n’a mangé que du cheval, du chien, du chat et du rat. Je n’ai pu aborder le mouton et le veau que le 16 février. À dater de ce jour, bien que les prix soient