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journal du siège de paris.


La critique est aisée et l’art est difficile.

Le bombardement des forts continue, mais sans causer de dommages sérieux.

Vendredi, 30 décembre. — Le thermomètre reste in statu quo. Canonnade à grand orchestre pendant toute la nuit. Heureusement que nous sommes habitués à ce tapage tonitruant comme les chiens à aller tête nue, et que nous n’en dormons pas moins bien. Ce sont surtout les forts de l’Est qui servent d’objectifs aux Prussiens. Quelques artilleurs ont été blessés, mais les forts ne sont pas endommagés. Le commerce des crêpes prend chaque jour une plus grande extension à tous les coins de rues on en vend à deux sous pièce. Comme il n’y a plus ni œuf, ni lait, ni beurre, on remplace le lait et les œufs par l’huile, et le beurre par la graisse de cheval. C’est tout simplement horrible à sentir. Pour le goût, je ne saurais vous en parler, car je n’ai pas eu le courage d’affronter ce mets oléo-chevalin.

Samedi, 31 décembre. — Toujours même persistance du froid. Le bombardement continue avec la même intensité sans faire beaucoup de mal. Les Parisiens ne sont nullement effrayés de cet ouragan de fer, qui, du reste, n’a pas encore atteint le mur d’enceinte. On vend maintenant du boudin de cheval. Comme cela coûte moins cher que la viande, j’ai essayé d’en manger. C’est tellement nauséabond, qu’il m’a été impossible d’en avaler une bouchée.

Dimanche, 1er janvier 1871. — Froid noir. Nous com-