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journal du siège de paris.

lettre de M. de Moltke, est calmée. La bourse ne s’est pas effrayée de la prétendue défaite de l’armée de la Loire. La rente n’a baissé que de vingt-cinq centimes. Nous continuons à être sans nouvelles de Tours, ce qui jette l’inquiétude dans la population parisienne, car nous n’osons pas dire, pas de nouvelles, bonnes nouvelles. Les rumeurs abondent. Le roi de Prusse, ne se sentant plus en sûreté à Versailles après la défaite de ses troupes sur les bords de la Marne, serait parti pour Reims. Napoléon III, si Paris succombe, ferait son entrée avec les troupes prussiennes. La guerre serait sur le point d’éclater entre l’Angleterre et la Russie à propos de l’éternelle question d’Orient.

Jeudi soir, 8 décembre. – Pluie et neige. Toujours même silence sous les murs de Paris. Ces messieurs de Belleville, qui faisaient un si beau tapage dans les premiers jours du siège et qui demandaient avec tant de violence des chassepots pour courir sus à l’ennemi, ont fait piteuse figure dans les dernières batailles. Soixante et un soldats des tirailleurs de Belleville sont traduits devant un conseil de guerre pour désertion devant l’ennemi. Le bataillon tout entier est licencié et son chef, Flourens, a été arrêté hier. Les frères des écoles chrétiennes se conduisent admirablement sur le champ de bataille. Chargés par les ambulances d’aller relever les soldats qui tombent dans la mêlée, ils accomplissent cette périlleuse mission avec un courage qui s’élève à la hauteur de l’héroïsme. La Patrie en danger a rendu le dernier soupir hier.