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journal du siège de paris.

viers et les faucons que les ennemis ont fait venir d’Allemagne pour leur donner la chasse ? Depuis cinq jours, nous n’avons plus de gaz dans les maisons. C’est le pétrole qui est le dieu de la lumière, et la bougie est son prophète. Presque toutes les boutiques ferment à la tombée de la nuit. Les rues sont encore éclairées au gaz, seulement un bec sur trois. À six heures, la capitale a un air morne qui fait l’âme triste. Les cafés seuls restent ouverts jusqu’à minuit. Grâce aux lampes à pétrole, ils sont encore éclairés suffisamment. Les cafés font de l’or en ce moment. Comme le charbon est aussi rare que le merle blanc et que le bois se vend déjà six francs les 100 livres, tous les célibataires, et dans une ville assiégée ils composent la majorité de la population, puisqu’un très grand nombre de gens mariés, ayant envoyé leur famille en province avant l’investissement, sont célibataires pro tempore, vont passer leurs soirées au café, où, pour huit sous, il sont chauffés, éclairés, abreuvés d’une tasse d’excellent café, sans compter les journaux qui sont à leur disposition. Par ce temps de froidure et de siège, c’est donc une économie que de passer sa soirée au café. Les cabinets de lecture sont également encombrés, mais ils ne peuvent recevoir qu’une cinquantaine de personnes à la fois, tandis que trois à quatre cents personnes sont parfaitement à l’aise dans tous les cafés des grands boulevards.

Mardi soir, 6 décembre. — Toujours très froid. Mauvaise nouvelle aujourd’hui. Le général en chef de l’ar-