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journal du siège de paris.

raser sa tête pour paraître chauve comme Trochu. Après celle-là, on peut tirer l’échelle.

Mercredi soir, 23 novembre. — Pluie toute la journée. Le canon et la fusillade ont fait rage, mais pas d’engagement sérieux. Bonnes nouvelles d’Orléans. Gambetta annonce 200,000 hommes sur les deux rives de la Loire, avec une réserve de 100,000. Le 1er décembre, une nouvelle armée de 200,000 hommes sera prête à entrer en ligne. Aujourd’hui, pour la première fois, j’ai rencontré un homme qui criait de la viande de chien et de chat. En temps de siège, on ne se donne plus la peine de vendre du chien pour du veau, et comme Boileau, on appelle un chat, un chat. De toutes les viandes hétéroclites que nous ingurgitons depuis le commencement de l’investissement, la meilleure est incontestablement celle de l’âne. Sa chair est aussi tendre et d’un goût aussi agréable que celle de l’agneau. C’est un vrai festin de Balthazar quand on peut se procurer une tranche de maître Aliboron. Trochu lance ce matin un nouveau décret renvoyant devant la cour martiale les journalistes qui publieront les mouvements des troupes. Les déplorables indiscrétions de la presse prennent leur source à l’Hôtel de Ville. Comment espérer que les douze mauvais apôtres qui nous gouvernent garderont, avec leurs vingt-cinq ou trente secrétaires, le secret des opérations décidées en conseil ? La discrétion est évidemment une vertu monarchique qui rappelle les plus mauvais jours du tyran. Est-ce que ce serait la peine d’être en républi-