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journal du siège de paris.

de messieurs les accapareurs, le gouvernement va mettre en réquisition toutes les pommes de terre de la capitale et les vendre lui-même à des prix raisonnables. C’est parfaitement juste. Le chiffre de la mortalité va toujours en augmentant. Dans la semaine qui a pris fin jeudi, le nombre des morts dépasse deux mille, dont cinq cent quatre-vingts de la petite vérole. Dans les ambulances, on ne compte que dix mille deux cent soldats et mobiles malades ou blessés. Si l’on songe qu’il y a en ce moment à Paris près de 600,000 hommes sous les armes, on trouvera ce chiffre bien peu élevé. On a tué, faute de fourrage et pour faire durer la viande fraîche plus longtemps, les animaux du Jardin d’acclimatation. Grâce au massacre de ces pauvres bêtes, les Parisiens pourront manger du lama, du daim, de la gazelle, du bison, de l’ours et de l’élan. Nous avons maintenant un nouveau marché, le marché aux rats, établi sur la place de l’Hôtel de Ville. Ils sont vivants dans des cages comme les lapins. Ce ne sont pas les pauvres mais les riches qui font hausser le prix de ces petits rongeurs. C’est une mode que de manger un salmis de rats. La sauce coûte probablement plus cher que le poisson. On dit que c’est un mets qui aurait fait venir l’eau à la bouche à feu Brillat-Savarin. C’est possible, mais j’aime mieux m’en tenir à mon morceau de bœuf bouilli ou de cheval rôti. On ne laisse plus sortir un seul étranger de Paris. Un certain nombre de Britishers, espérant que le siège de Paris ne durerait pas trois se-