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journal du siège de paris.

Mercredi soir, 16 novembre. — Temps gris. La journée n’a été signalée que par la canonnade habituelle, qui devient plus fréquente et plus intense à mesure que les ouvrages de l’ennemi se découvrent. Plusieurs journaux anglais, arrivés ce matin, confirment la victoire d’Orléans. Le bruit court que l’armée de la Loire aurait chassé les Prussiens d’Étampes. On parle beaucoup de Bazaine. Naturellement on crie à la trahison. Déjà les vendeurs de journaux lancent le cri de 1793 : « Demandez l’infâme trahison de Bazaine ! » Je comprends cette spéculation de basse librairie, mais je ne conçois pas que Gambetta, deux jours après la reddition de Metz, lance une proclamation furibonde pour déclarer Bazaine traître à la patrie. Un journaliste peut se permettre ces tirades à effet, mais un ministre de l’intérieur et de la guerre n’a pas le droit de dénoncer, sans preuves, un maréchal de France à l’indignation publique. Peut-être Bazaine aurait-il le droit de dire au gouvernement de Tours : J’ai lutté pendant soixante-dix jours contre l’ennemi, et dix jours contre la famine. Pendant ce temps-là, vous qui avez pris la responsabilité de présider aux destinées de la France, au lieu de travailler jour et nuit à l’organisation de l’armée, vous avez perdu au moins un mois à faire de la propagande républicaine et à placer vos amis. Qui de vous, qui n’avez pu envoyer quatre hommes et un caporal à mon secours, ou de moi, qui ai tenu pendant soixante-dix jours, doit être déclaré traître à la patrie ? M’est avis que MM. Crémieux, Gambetta et Cie se-