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octave crémazie

« Je ne cite que les écrivains catholiques, mais ne pourrait-on pas également faire un choix parmi les auteurs ou indifférents ou hostiles ? Puisque dans nos collèges on nous fait bien apprendre des passages de Voltaire, pourquoi ne donneriez-vous pas à vos abonnés ce qui peut se lire de maîtres tels que Hugo, Musset, Gautier, Sainte-Beuve, Guizot, Mérimée, etc ? Ne vaut-il pas mieux faire sucer à vos lecteurs la moelle des lions que celle des lièvres ?

« Je crois que le goût littéraire s’épurerait bientôt en Canada si les esprits pouvaient s’abreuver ainsi à une source d’où couleraient sans cesse les plus belles œuvres du génie contemporain. Le roman, quelque religieux qu’il soit, est toujours un genre secondaire ; on s’en sert comme du sucre pour couvrir les pilules lorsqu’on veut faire accepter certaines idées bonnes ou mauvaises. Si les idées, dans leur nudité, peuvent supporter les regards des honnêtes gens de goût, à quoi bon les charger d’oripeau et de clinquant ? C’est le propre des grands génies de donner à leurs idées une telle clarté et un tel charme, qu’elles illuminent toute une époque sans avoir besoin d’endosser ces habits pailletés que savent confectionner les esprits médiocres de tous les temps. Ne croyez-vous pas qu’il vaudrait mieux ne pas donner de romans à vos lecteurs (je parle de la partie française, car le roman vous sera nécessairement imposé par la littérature indigène), et les habituer à se nourrir d’idées sans mélange d’intrigues et de mise en scène ? Je puis me tromper, mais