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journal du siège de paris.

seul connaît le nombre et la grandeur des catastrophes que l’avenir nous réserve. On dit que la guillotine fonctionne à Lyon comme aux beaux jours de 93. Le préfet de l’empire aurait inauguré la sanglante machine en montant sur l’échafaud comme fonctionnaire du tyran. Je souffre toujours de la tête, mais les douleurs deviennent de moins en moins aiguës.

Mercredi soir, 9 novembre. — Brouillard humide et froid. Neige le soir. Canonnade sur toute la ligne, fusillade aux avant-postes, sans résultat important. Le décret mobilisant le tiers de la garde nationale, a paru ce matin dans l’Officiel. Cela va donner, avec la ligne et la mobile, une armée de 400,000 hommes pour attaquer les lignes prussiennes. On parle toujours de sorties en masse. On fait des phrases sonores sur les victoires de demain. Malheureusement aujourd’hui nous apporte toujours la défaite et le demain de la victoire n’arrive jamais. Les phrases et les avocats finiront par perdre la France complètement. Les airs crânes, supportables quand on est vainqueur, sont parfaitement ridicules quand on est vaincu. Les lignes prussiennes ont une profondeur de trente lieues autour de Paris. Quand on ferait une sortie de 300,000 hommes et que l’on réussirait à faire une trouée, en quoi notre situation serait-elle améliorée ? Il faudrait au moins 150,000 hommes pour occuper les positions conquises sur l’ennemi ; car, autrement, les Prussiens qui doivent avoir, maintenant que l’armée du prince Frédéric-Charles est arrivée devant Paris, au moins 450,000