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journal du siège de paris.

est toujours très mal interprété, On prétend que les nouvelles de la province sont tellement désastreuses que nos dictateurs n’osent pas les faire connaître au public. Il paraît que ce vieux singe, Crémieux, cette vieille chouette, Glais-Bizoin, et le tonitruant Gambetta commettent boulettes sur boulettes. On assure que, marchant sur les traces d’Ollivier et de Palikao, ces messieurs nous annonçaient des victoires de l’armée de la Loire qui n’étaient que des défaites. Gambetta aurait lancé une proclamation déplorable, dans laquelle il accuse Bazaine de trahison. En attendant, la viande fraîche s’épuise, nous n’en avons plus que pour jusqu’au 20 du présent mois. Il va falloir nous mettre au régime des salaisons. Ce régime qui, prolongé trop longtemps, finit par engendrer le scorbut, peut convenir aux hommes valides. Malheureusement, pour les femmes, les vieillards, les enfants et les malades, ce mode d’alimentation devra avoir des conséquences funestes. Déjà la mortalité augmente dans une proportion inquiétante. Le chiffre des morts de la semaine dernière dépasse de quatre cent soixante celui de la huitaine précédente. C’est surtout parmi les enfants que la mort exerce le plus de ravages. L’extrême difficulté de se procurer du lait, même à des prix insensés, explique pourquoi la population enfantine est décimée depuis l’investissement. Laisser mourir tous ces pauvres enfants qui doivent être la France de l’avenir, n’est-ce pas manger son bien en herbe ? L’horizon s’assombrit de plus en plus, et Dieu