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journal du siège de paris.

sastres aussi foudroyants. Après un bombardement de quatre jours, les Prussiens sont entrés dans Soissons, où ils ont fait 4,000 prisonniers. Vernon, comme Châteaudun, a été bombardé et incendié. Chartres est investi. La catastrophe de Metz, annoncée officiellement ce matin, produit une excitation douloureuse dans toute la ville, qui est déjà mal disposée par la malheureuse affaire du Bourget. M. Thiers, arrivé hier avec des propositions d’armistice, a passé toute la journée et toute la nuit en conférence avec les membres du gouvernement. Comme la masse ne comprend pas le sens du mot armistice, elle s’imagine que l’on va signer la paix en acceptant toutes les conditions de M. de Bismark. Des groupes nombreux se forment. Malgré la pluie, je vais voir ce qui se passe. Sur la place du Château-d’Eau, on n’entend que des paroles indignées, on ne voit que des gestes menaçants. On crie à la trahison. Les propos les plus absurdes sont acceptés comme parole d’Évangile. Un gros homme, cheveux rouges, yeux bleus bêtes, étend une espèce de battoir que je suppose être sa main, et crie : « Citoyens, Thiers est une canaille ! Il est allé vendre la France à Saint-Pétersbourg. L’empereur de Russie lui a donné cinquante millions pour le prix de sa trahison. » Un petit bossu habillé en gentleman, qui sent le patchouli à quinze pas, crie d’une voix aiguë : « Il n’a pas seulement vendu la France, il a reçu dix millions de la famille Bourbon qui va revenir, sous la protection des despotes, nous ramener la féodalité et l’inquisition. À