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journal du siège de paris.

mangeons du cheval deux ou trois fois par semaine. Comme goût ce n’est pas mauvais. Seulement, j’ignore pourquoi mon estomac le digère assez difficilement. Hier, on nous a servi de l’âne. Rôtie, cette viande a le goût du porc frais. Elle est lourde. On assure que dans les faubourgs on mange du rat. Les gourmets prétendent que le jambon de rat est une merveille comme chair délicate. Je ne tiens pas à déguster maître raton. Pourtant il ne faut jurer de rien. Si le siège se prolonge, nous serons peut-être très heureux d’avoir quelques côtelettes de rat à nous mettre sous la dent. Qui sait si dans deux mois une épaule de rat ne sera pas cotée à la Bourse comme une action de chemin de fer. Je ne parle pas du chat. Sous les Mérovingiens, les traiteurs de la barrière servaient déjà à leurs clients des matous sous le nom de lapin. Si la viande commence à devenir rare, en revanche le pain d’épice abonde. Il y en a des montagnes dans toutes les montres des épiciers. Les marchandes des quatre saisons, à qui le manque de légumes et de fruits avait fait des loisirs forcés, reparaissent dans les rues avec leurs petites voitures pleines de pain d’épice, en criant : À deux sous le morceau ! À deux sous ! Il y en a aussi à un sou. Ici le pain d’épice se fait avec du miel et non avec de la mélasse comme chez nous. Il est très bon. Je me demande où l’on peut prendre le miel nécessaire à cette avalanche de pain d’épice ? Du reste, le miel est toujours au prix ordinaire.

Vendredi soir, 21 octobre. — Beau temps d’automne.