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journal du siège de paris.

Mardi soir, 18 octobre. — Je me trompe, 28 vendémiaire, an 79, pour employer la formule des journaux républicains. Pour les radicaux, le monde n’existe que depuis le 21 septembre 1792. Soleil brillant, température assez douce. Canonnade des forts du Mont-Valérien de Nogent, de Vanves et d’Issy, qui empêche les Prussiens d’établir leurs batteries. On dit aujourd’hui que le citoyen Mottu, le maire du XIe arrondissement, a donné sa démission sur la demande du gouvernement. Si c’est vrai, tant mieux ; car c’était une honte pour Paris de voir ce banquier de cinquième ordre, ce qui veut dire usurier, oser violenter la conscience de ses administrés. On dit aussi que l’ordre de la Légion d’honneur va être aboli. À mon avis, ce serait une faute. Que ne fait-on pas, en France, pour obtenir ce petit ruban rouge qui constitue l’aristocratie du courage, du talent et du travail ? Pourquoi abolir cette récompense nationale qui ne coûte rien au pays et qui produit de si grandes choses ? En décrétant l’abolition de la Légion d’honneur, le gouvernement céderait aux criailleries de ces impuissants envieux qui s’agitent dans les bas-fonds de la démagogie et qui ne peuvent supporter aucune supériorité. Ce serait une maladresse et une lâcheté. Proudhon avait bien raison quand il écrivait : « Le fond de toute démocratie, c’est l’envie. » En ce moment, il faut être un fier aristo pour manger du pain rôti, le beurre se vend 16 fr. la livre. Le gouvernement vient d’acheter 20,000 bœufs pour la capitale. Comment entreront-ils dans