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journal du siège de paris.

deux heures, j’étais sur la place de l’Hôtel de Ville. Quelques centaines de braillards crient : Vive la commune ! Quelques gardes nationaux arrêtent une espèce de voyou qui prétend que le citoyen Étienne Arago vend des armes aux Prussiens. Vers trois heures, la foule est énorme. De tous côtés les gardes nationaux des quartiers respectables arrivent armés et se rangent par bataillons autour de l’Hôtel de Ville. À quelques pas de moi, un homme en blouse blanche et aux mains noires, crie : « Entrons là dedans ! Faisons un second 4 septembre ! » Si ce cri ne rencontre pas d’écho, le derrière de celui qui l’a poussé rencontre un coup de pied appliqué d’une façon magistrale par un garçon boucher taillé en hercule. La blouse veut se rebiffer, d’un coup de poing son ennemi lui enfonce son feutre jusque sur les épaules en lui donnant une seconde édition, probablement augmentée sinon revue, du coup de pied n°1. Le malheureux blousard a beau rager, il est obligé de s’esquiver au milieu de la foule, qui le poursuit de ses quolibets. Près du pont, quelques voix poussent le même cri : « Faisons un second 4 septembre ! » Personne ne répond. Je suis trop loin pour voir ce qui se passe. Mes voisins, dont l’un m’appelle monsieur et l’autre, citoyen, me disent que l’on vient d’arrêter ceux qui ont proféré ce cri séditieux. Le général Trochu, entouré de son état-major, arrive par la rue de Rivoli. Il est accueilli par les cris presque unanimes de : Vive Trochu ! Vive la République ! Le général Tamisier, commandant en chef de la garde nationale,