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journal du siège de paris.

martel en tête, iront chercher quatre hommes et un caporal pour envahir votre domicile, afin de surprendre votre bougie en flagrant délit de conversation criminelle avec le roi Guillaume. Une pauvre vieille qui, dans sa mansarde solitaire, raccommodait tranquillement des bas près de sa fenêtre, à la lumière de sa petite lampe de pétrole, a manqué mourir de frayeur en voyant une demi-douzaine d’imbéciles de gardes nationaux faire irruption chez elle et l’accuser de trahir la France en faisant des signaux au général Von Moltke. Heureusement que les voisins ont pu certifier que la bonne vieille était une excellente patriote, et qu’elle n’avait jamais eu la moindre accointance avec les puissances allemandes. Cette manie déplorable de voir l’espionnage prussien dans toutes les fenêtres des étages élevés, a pris des proportions tellement absurdes, que le préfet de police a dû défendre aux gardes nationaux de faire des perquisitions chez les citoyens sans un mandat signé par le commissaire de police. Si la viande n’a pas encore augmenté de prix, les légumes frais commencent à devenir très rares. On me dit que pour se payer une salade de laitue il faut avoir au moins 25,000 francs de rente. Ces pauvres marchandes des quatre saisons qui traînaient dans les rues de Paris leurs petites voitures en criant : Ohé ! la salade ! Des z’haricots verts ! des z’haricots ! Qui veut de la bonne pomme de terre ? Cresson de fontaine, la santé du corps ! ont disparu depuis quelques jours et leurs voix familières nous font presque défaut. Plus de marchands am-