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journal du siège de paris.

d’une victoire remportée par Bazaine. Rien d’officiel cependant. On voit des espions partout. Un jeune Suédois, pensionnaire de la maison, a été arrêté avant-hier, dans l’après-midi, sur le boulevard du Prince-Eugène. Comme il parle le français avec un accent étranger très prononcé, un ouvrier qui lui avait adressé la parole a ameuté les passants en criant : C’est un Prussien ! Mort aux espions ! La garde nationale est venue à son secours et l’a conduit au poste et de là à la préfecture. Ce n’est qu’après une détention de trente-six heures qu’il a été mis en liberté, grâce à l’intervention de l’ambassade suédoise. Remarquez que ce jeune homme, comme tous les Scandinaves, déteste la Prusse et voulait s’engager comme volontaire dans l’armée française. La foule est toujours stupide, et je préfère le despotisme du grand Mogol à cette domination brutale des masses. Pour moi, je suis à l’abri de ces algarades, car j’ai maintenant l’accent d’un vieux Parisien. De plus, il paraît que j’ai la tournure d’un officier en retraite, car lorsque je passe devant les stations de voitures, les cochers m’offrent leurs véhicules en m’appelant mon capitaine. Après-midi, je suis allé voir la statue de la ville de Strasbourg sur la place de la Concorde. Elle est entièrement couverte de fleurs, et on fait queue pour mettre son nom sur le registre qui doit être offert à l’héroïque capitale de l’Alsace. Le jardin des Tuileries est fermé. Il sert maintenant de camp à la cavalerie. Le palais est transformé en ambulance. Plus de drapeau tricolore. Le drapeau