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lettres, du moins des œuvres produites par les enfants du sol.

« Dans tous les pays civilisés, il est admis que si le prêtre doit vivre de l’autel, l’écrivain doit vivre de sa plume. Chez tous les peuples de l’Europe, les lettres n’ont donné signe de vie que lorsqu’il s’est rencontré des princes pour protéger les auteurs. Avant la Renaissance, les couvents possédaient le monopole des travaux intellectuels, parce que les laïques qui auraient eu le goût et la capacité de cultiver les lettres ne pouvaient se vouer à un travail qui n’aurait donné du pain ni à eux ni à leurs familles.

« Les moines, n’ayant pas à lutter contre les exigences de la vie matérielle, pouvaient se livrer, dans toute la sérénité de leur intelligence, aux travaux littéraires et aux spéculations scientifiques, et passer ainsi leur vie à remplir les deux plus nobles missions que puisse rêver l’esprit humain, l’étude et la prière.

« Les écrivains du Canada sont placés dans les mêmes conditions que l’étaient ceux du moyen âge. Leur plume, à moins qu’ils ne fassent de la politique (et Dieu sait la littérature que nous devons aux tartines des politiqueurs), ne saurait subvenir à leurs moindres besoins. Quand un jeune homme sort du collège, sa plus haute ambition est de faire insérer sa prose ou ses vers dans un journal quelconque. Le jour où il voit son nom flamboyer pour la première fois au bas d’un article de son cru, ce jour-là il se croit appelé aux plus hautes destinées ; et il se rêve l’égal de Lamar-