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poésies.


Donc j’ai votre pardon. Oh ! j’ai bien voyagé !
Voyez, de sucs nouveaux mon bagage est chargé.
Puis, le soir, réunis dans notre vieille salle,
Je vous dirai comment, pour composer mon miel,
À Ceylan j’ai cueilli la feuille du bétel,
La violette en Chine et la rose au Bengale,

Sur les bords italiens la fleur de l’amandier,
Sous le ciel espagnol celle du grenadier.
Précipitant plus loin ma course aventureuse
Et ramenant mon vol sur les bords de l’Indus,
J’ai surpris ton secret, mystérieux lotus,
Entr’ouvrant au soleil ta corolle frileuse !

Et, de tous ces parfums, faisant un nouveau miel,
Quand viendra du Jeudi le retour solennel,
Peut-être mes récits charmeront votre oreille.
Je travaillerai tant pour remplir vos loisirs,
Que, retrouvant bientôt tous vos vieux souvenirs,
Comme aux jours d’autrefois vous aimerez l’Abeille.

Et maintenant, amis, que notre accord est fait,
Recevez un conseil sous forme de souhait.
De vivre et de mourir où vécurent vos pères
Vous faisant pour toujours un sublime devoir,
N’allez pas comme moi, remplis d’un fol espoir,
Perdre vos plus beaux jours aux rives étrangères.


1er janvier 1859.