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poésies.

ENVOI AUX MARINS DE « LA CAPRICIEUSE »


Quoi ! déjà nous quitter ! Quoi ! sur notre allégresse
Venir jeter sitôt un voile de tristesse ?
De contempler souvent votre noble étendard
Nos regards s’étaient fait une douce habitude.
Et vous nous l’enlevez ! Ah ! quelle solitude
Va créer parmi nous ce douloureux départ !

Vous partez. Et bientôt, voguant vers la patrie,
Vos voiles salûront cette mère chérie !
On vous demandera, là-bas, si les Français
Parmi les Canadiens ont retrouvé des frères.
Dites-leur que, suivant les traces de nos pères,
Nous n’oublîrons jamais leur gloire et leurs bienfaits.

Car, pendant les longs jours où la France oublieuse
Nous laissait à nous seuls la tâche glorieuse
De défendre son nom contre un nouveau destin,
Nous avons conservé le brillant héritage
Légué par nos aïeux, pur de tout alliage,
Sans jamais rien laisser aux ronces du chemin.

Enfants abandonnés bien loin de notre mère,
On nous a vus grandir à l’ombre tutélaire
D’un pouvoir trop longtemps jaloux de sa grandeur.
Unissant leurs drapeaux, ces deux reines suprêmes
Ont maintenant chacune une part de nous-mêmes :
Albion notre foi, la France notre cœur.

Adieu, noble drapeau ! Te verrons-nous encore
Déployant au soleil ta splendeur tricolore ?