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poésies.


« Quoi ! c’est, dis-tu, l’étendard d’Angleterre,
« Qui vient encor, porté par ces vaisseaux,
« Cet étendard que moi-même naguère,
« À Carillon, j’ai réduit en lambeaux.
« Que n’ai-je, hélas ! au milieu des batailles
« Trouvé plutôt un glorieux trépas
« Que de le voir flotter sur nos murailles !
« Dis-moi, mon fils, ne paraissent-ils pas ?

« Le drapeau blanc, — la gloire de nos pères, —
« Rougi depuis dans le sang de mon roi,
« Ne porte plus aux rives étrangères
« Du nom français la terreur et la loi.
« Des trois couleurs l’invincible puissance
« T’appellera pour de nouveaux combats,
« Car c’est toujours l’étendard de la France.
« Dis-moi, mon fils, ne paraissent-ils pas ?

« Pauvre vieillard, dont la force succombe,
« Rêvant encor l’heureux temps d’autrefois,
« J’aime à chanter sur le bord de ma tombe
« Le saint espoir qui réveille ma voix.
« Mes yeux éteints verront-ils dans la nue
« Le fier drapeau qui couronne leurs mâts ?
« Oui, pour le voir, Dieu me rendra la vue !
« Dis-moi, mon fils, ne paraissent-ils pas ?…

Un jour, pourtant, que grondait la tempête,
Sur les remparts on ne le revit plus.
La mort, hélas ! vint courber cette tête
Qui tant de fois affronta les obus.