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poésies.

LE VIEUX SOLDAT CANADIEN[1]


 
Vous souvient-il des jours, vieillards de ma patrie,
Où nos pères, luttant contre la tyrannie,
Par leurs nobles efforts sauvaient notre avenir ?
Frémissant sous le joug d’une race étrangère,
Malgré l’oppression, leur âme toujours fière
De la France savait garder le souvenir.

Or, dans ces tristes temps où même l’espérance
Semblait ne pouvoir plus adoucir leur souffrance,
Vivait un vieux soldat au courage romain,
Descendant des héros qui donnèrent leur vie
Pour graver sur nos bords le nom de leur patrie,
La hache sur l’épaule et le glaive à la main.

Mutilé, languissant, il coulait en silence
Ses vieux jours désolés, réservant pour la France
Ce qui restait encor de son généreux sang ;
Car, dans chaque combat de la guerre suprême,
Il avait échangé quelque part de lui-même
Pour d’immortels lauriers conquis au premier rang.

  1. Cette pièce de vers a été composée à l’occasion de l’arrivée à Québec de la Capricieuse, corvette française envoyée en 1855, par l’empereur Napoléon III, pour nouer des relations commerciales entre la France et le Canada.