Page:Crémazie - Œuvres complètes, 1882.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.

103
poésies.

« Ô ma Sébastopol, ravie à mon drapeau,
« Hélas ! qui me rendra tes immenses murailles,
« Solides comme un roc, fortes pour cent batailles,
« Mon plus riche joyau ?

« Mon père, il est bien lourd le terrible héritage
« Confié, par ta mort, aux soins de mon courage.
« Nicolas Paulowitz, dans la tombe endormi,
« N’as-tu pas entendu retentir sur ta tête,
« Avec les mille voix qu’apporte la tempête,
« Le canon ennemi ?

« Ton prévoyant génie avait créé deux reines,
« Qui sur les vastes mers régnaient en souveraines.
« L’une avait nom Cronstadt, l’autre, Sébastopol.
« Ton aigle triomphant y lançait son tonnerre,
« Et du haut de leurs tours il défiait la terre
« De restreindre son vol.

« Gardien de Pétersbourg, Cronstadt n’a pas encore
« Vu flotter sur ses murs le drapeau tricolore.
« Moins heureuse que lui, dans un fatal instant,
« Sébastopol la grande, épuisée, haletante,
« Après mille combats est tombée expirante,
« Comme tombe un géant.

« Ah ! plus heureux que moi, tu n’as pas vu ta gloire
« Se flétrir chaque jour, veuve de la victoire.
« L’espérance à ta mort te reçut dans ses bras,
« Et montrant à tes yeux un horizon splendide,
« Te fit voir l’ennemi, des champs de la Tauride,
« Chassé par tes soldats.