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poésies.

SUR LES RUINES DE SÉBASTOPOL


Allah ! qui me rendra ma formidable armée ?…
Victor Hugo, la Bataille perdue.


 
Aux champs de la Tauride, il est une colline
D’où l’œil voit, en suivant la route qui s’incline,
Sébastopol la forte, assise à l’horizon.
La noble ville est là, triste, silencieuse ;
Des soldats d’Occident la main victorieuse
En un jour immortel fit taire son canon.

De la verte colline un cavalier rapide
A gravi le sentier ; de son regard avide
Il semble interroger des lieux qui lui sont chers.
Courbé sur son coursier et la main sur ses armes,
Son regard un instant paraît voilé de larmes,
Puis, brillant d’un feu sombre, il lance des éclairs.

Sur son casque d’acier un aigle à double tête
Étend ses ailes d’or prêtes pour la conquête.
Comme s’il éprouvait quelques chagrins navrants,
Sa poitrine oppressée et se lève et s’abaisse ;
Quand, secouant soudain le poids de sa tristesse,
De son âme affaissée il tire ces accents :

« Qui me rendra ma gloire et ma puissante armée
« Sitôt anéantie aux champs de la Crimée ?