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Le ciel ne le fit point pour être mon égal,
Il n’est pas même fait pour être mon rival.

Tullie

Ah, César ! est-il temps de me chercher des crimes ?
Daignez vous occuper de soins plus légitimes :
Vous avez trop connu le coeur de Cicéron,
Pour en avoir conçu le plus léger soupçon ;
Si de quelque refus vous avez à vous plaindre,
Son austère vertu ne laisse rien à craindre ;
A-t-il des conjurés emprunté le secours,
Ou versé dans les coeurs le poison des discours ?
Il a toujours gardé le plus profond silence,
Sa fuite ne peut être un motif de vengeance,
Puisque vous-même avez ordonné son départ ;
Philippe était d’ailleurs chargé de votre part,
Avec Herennius, du soin de le défendre.

Octave

Mais si vous n’aviez point dessein de me surprendre,
Auriez-vous de Sextus accompagné les pas,
Et pour le soutenir corrompu mes soldats ?

Tullie

Quel peut être l’effroi que Sextus vous inspire,
Ce n’est pas en fuyant qu’on dispute un empire ;
L’a-t-on vu contre vous soulever les esprits,
Ou d’un nom redouté ranimer les débris ?
Il en eût recouvré la puissance usurpée,
S’il se fût un moment fait voir comme Pompée.
Ah ! du sort de Sextus, ne soyez point jaloux,
Philippe n’a voulu que l’éloigner de vous :
Son maître infortuné qui n’a plus d’autre asile,
Va sans doute avec lui regagner la Sicile ;
Faites-vous un ami de ce jeune héros,
Il est digne de vous par ses nobles travaux ;
César, vous ignorez qu’une main meurtrière
Vous aurait sans Sextus privé de la lumière :
Tandis que votre haine éclate contre lui,
C’est sa seule vertu qui vous sauve aujourd’hui ;
Pour l’en récompenser, permettez que mon père
Aille près de Sextus terminer sa misère ;
Prenez en leur faveur des sentiments plus doux.

Octave

Mais Madame, Sextus est-il donc votre époux ?
Sitôt qu’à votre hymen, je ne dois plus prétendre,
Aux voeux de mon rival, je consens de vous rendre.

Tullie