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Hélas, de tes fureurs, victimes lamentables,
Leurs mères ne sont pas pour toi plus redoutables,
Et cependant tu veux les priver de leurs biens,
César leur eût plutôt prodigué tous les siens.
C’était par des bienfaits qu’il vengeait une injure,
Son fils, pour se venger, détruirait la nature :
Est-ce ainsi que tu veux succéder à César,
Ce héros, qui traînait tous les coeurs à son char ?
Imite sa bonté, crois-moi, fais-nous connaître,
Que tu peux l’égaler, le surpasser peut-être.

Octave

Et pourquoi n’imputer qu’à moi seul ces décrets,
Dont Rome a ressenti de si cruels effets ?
Antoine est-il pour eux un dieu plus favorable ?

Cicéron

Et qui pourrait fléchir ce tigre inexorable,
Dans l’ivresse, l’orgueil, et le luxe allaité ?
Monstre que le destin n’a que trop bien traité,
Et qui, pour ton malheur, nourri dans le carnage,
N’a pour toute vertu qu’une valeur sauvage.
César, dès qu’il s’agit d’avoir recours aux dieux,
Qui d’Antoine ou de toi leur ressemble le mieux ?
Le ciel de ses bienfaits t’enrichit sans mesure,
Respecte les faveurs que te fit la nature.
Que n’as-tu pas reçu de ta prodigue main,
Tous les dons d’un génie au-dessus de l’humain !
Lorsqu’il ne tient qu’à toi d’être adoré dans Rome,
Te sied-il d’être Antoine, ou de n’être qu’un homme ?
Sois César, sois un dieu, tu le peux, tu le dois,
Trop heureux que le sort te laisse un si beau choix.

Octave

Tu n’auras pas en vain recours à ma clémence,
Ni d’un sexe timide embrassé la défense :
Je souscris à tes soins, je veux en ta faveur,
Abolir ces décrets qui te font tant d’horreur ;
Au sort des malheureux une âme si sensible,
Pour moi seul aujourd’hui sera-t-elle inflexible ?
Je viens sur ta fierté faire un dernier effort,
Qu’avec mon amitié la tienne soit d’accord.
Je ne refuse rien lorsque ta voix m’implore,
Laisse-moi triompher du fiel qui te dévore,
Réunissons deux coeurs divisés trop longtemps,
Pour des coeurs vertueux, j’ose dire aussi grands.

Cicéron

Octave, tu me fis admirer ton enfance,