Page:Crébillon - Théâtre complet, éd. Vitu, 1923.djvu/501

Cette page n’a pas encore été corrigée

Lève-toi.

Philippe

Non, Seigneur, souffrez qu’à vos genoux,
Avant que de mourir, je m’explique avec vous.

Sextus

Lève-toi.

Philippe

Se peut-il que mon illustre élève,
Contre un infortuné s’indigne et se soulève ?
A-t-il pu soupçonner un coeur tel que le mien,
De vouloir enfoncer un poignard dans le sien ?

Il montre la statue de Pompée.

Hélas ! depuis la mort de ce maître adorable,
Je n’ai fait que gémir de son sort déplorable.
Octave, prévenu que j’avais mérité
Qu’un maître pût compter sur ma fidélité,
Me prévint, et bientôt m’accorda son estime ;
On sait que ce tyran s’est fait une maxime,
D’attacher à son sort les hommes généreux,
Qui par quelques vertus se sont rendus fameux ;
C’est ainsi que j’ai su gagner sa confiance ;
Mais dans l’art de tromper imitant sa science,
Philippe n’a jamais trempé dans ses forfaits,
Et Rome n’a de moi reçu que des bienfaits ;
Mais c’est par d’autres soins qu’un esclave fidèle,
Doit vous justifier son amour et son zèle.
Octave ne croit plus que vous soyez Gaulois ;
Votre noble fierté, les accents de la voix,
Vos soins pour les proscrits, échappés vers Ostie,
Et l’ardeur que pour vous fait éclater Tullie,
Alarment à tel point ce coeur né soupçonneux,
Qu’il voudrait vous pouvoir sacrifier tous deux ;
Et sans bien pénétrer quelle est votre origine,
Il veut que cette nuit ma main vous assassine,
Sans croire cependant que vous soyez Sextus ;
Mais il vous croit du moins un ami de Brutus.
Il vient de me quitter pour passer chez Fulvie :
Je crains qu’à Cicéron il n’en coûte la vie.
Les moments vous sont chers, et c’est fait de vos jours,
Si de ceux du tyran je n’abrège le cours.
Pour sauver l’un de vous, il faut immoler l’autre :
Choisissez du trépas de César ou du vôtre.
Rien n’est sacré pour moi, dès qu’il s’agit de vous.

Sextus