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effet.
Tout César n’est ici qu’un objet de colère,
Héritier de l’ingrat qui détruisit mon père ;
Octave n’est pour moi qu’un rival odieux
Dont l’orgueilleux mépris m’a rendu furieux,
Tenté plus d’une fois d’en punir l’insolence...
Qu’il rende de ses jours grâce à votre présence.

Tullie

Sextus, ce fier rival n’en est pas un pour vous,
Un amant méprisé ne fait point de jaloux ;
Mais un grand coeur doit-il céder sans espérance
Au dangereux appas d’une aveugle vengeance ?
Ah ! quand même à César on donnerait la mort,
Son trépas seul peut-il relever votre sort ?
Tout vous promet ailleurs de hautes destinées,
Qui sans gloire en ces lieux se verraient terminées.
Fuyons, mon cher Sextus : fuir n’est un déshonneur
Que pour ceux dont on peut soupçonner la valeur.
Fuyons, loin de tenter des efforts inutiles
Tandis qu’en ce palais on nous laisse tranquilles ;
Allons sans plus tarder rejoindre Cicéron ;
La vertu de Mécène exempte de soupçon,
Ne nous en doit pas moins alarmer sur son zèle.
Je vois, sur son départ, que mon père chancelle ;
Courons le raffermir ; Octave est violent :
Pour nous perdre tous trois, il ne faut qu’un moment.

Sextus

Ah ! ne redoutez rien : je connais la prudence,
De ce nouveau tyran peu sûr de sa puissance ;
Comme il me croit Gaulois, et qu’il a besoin d’eux,
Il craint trop d’irriter ces peuples dangereux.

Tullie

Jugez de ses frayeurs à l’objet qui s’avance :
C’est l’affranchi chargé du soin de sa vengeance,
Qui vient vous immoler ou s’assurer de vous.
Ah, Sextus, laissez-moi m’offrir seule à ses coups !

Sextus

Vous exposer pour moi, c’est m’outrager, Tullie ;
M’enviez-vous l’honneur de défendre ma vie ?


Scène IV

Sextus, Tullie, Philippe.
Sextus

 Approche, digne chef des infâmes humains,