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Le nom de République, une autre illusion,
Dont il faut rejeter l’orgueilleuse chimère,
Source de trop de maux pour vous être encor chère.
Qu’espérez-vous enfin quand tout est renversé,
Quand le Sénat n’est plus qu’un troupeau dispersé ?
Où sont vos légions pour soutenir la gloire
De ce corps, dont sans vous on perdrait la mémoire ?
En vain vous prétendez affranchir les Romains
Du joug qu’ils imposaient au reste des humains ;
L’univers nous demande une forme nouvelle,
Et Rome un empereur qui commande avec elle ;
Trop heureux les Romains, si pour ce haut emploi,
Ils n’avaient désormais à redouter que moi ;
Mon collègue insolent vous fait assez connaître
Que d’un emploi si noble il se rendrait le maître,
Si vous pouviez souffrir qu’il osât s’en saisir ;
Mais vous me choisirez, si vous savez choisir.
Le cruel triumvir demande votre tête,
Son crédit l’obtiendra, si le mien ne l’arrête ;
Un intérêt si cher doit nous concilier,
Pour mieux détruire Antoine il nous faut allier :
Vos vertus, vos malheurs, mon amour pour Tullie,
Mon honneur, tout m’engage à vous sauver la vie.
Vous fûtes autrefois mon premier protecteur,
Votre bouche longtemps s’ouvrit en ma faveur,
Je vous dois mes grandeurs, une amitié sincère :
Aimez-moi, Cicéron, et devenez mon père.

Cicéron

Abdique, je t’adopte, et ma fille est à toi,
Pourvu qu’elle consente à te donner sa foi,
Qu’elle daigne accepter l’époux de Scribonie,
Et qu’au sort d’un César elle veuille être unie.
Je doute cependant qu’élevée en mon sein,
Un tyran quel qu’il soit puisse obtenir sa main :
Elle vient, tu pourras t’expliquer avec elle,
Si tu l’aimes, tu dois la prendre pour modèle ;
Rentre dans ton devoir, sois romain : à ce prix
Tu deviendras bientôt son époux et mon fils :
Mais si tu veux toujours tenir Rome asservie,
Tu peux quand tu voudras me livrer à Fulvie.

Octave

Seul.

L’excès où Cicéron vient de s’abandonner,