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Et le sauver des coups de l’indigne Fulvie ;
Tu l’as vu cette nuit ; conçois-tu quelque espoir
Qu’il veuille en ma faveur employer son pouvoir ?
Il est bon qu’en public il prenne ma défense
Pour disposer le peuple à plus d’obéissance,
Et que par ses amis il inspire au Sénat
De réunir en moi tout le triumvirat.
César, pour rétablir l’État en décadence,
Crut devoir s’emparer de la toute-puissance ;
Il sentit, et j’ai dû le sentir comme lui,
Qu’il ne faut aux Romains qu’un seul maître aujourd’hui.

Mécène

Cicéron désormais n’a qu’un désir unique,
C’est de vous voir, Seigneur, sauver la République,
D’Antoine qu’il méprise abaisser la grandeur,
Devenir du Sénat l’âme et le protecteur ;
Sur tout autre projet il sera peu flexible,
Cependant, à vos soins il m’a paru sensible ;
Essayez d’engager ce fier Républicain
À vous laisser jouir du pouvoir souverain :
C’est sur ce point qu’il faut le vaincre ou le séduire :
Cicéron, dès qu’il peut vous servir ou vous nuire
Ne vous laisse qu’un choix, le perdre ou le sauver :
Le plus digne de vous est de le conserver.
Son amitié, son nom, ses conseils, sa prudence,
Son crédit au Sénat, surtout son éloquence,
Deviendraient votre appui dans un péril pressant.

Octave

Rien n’est si dangereux dans un État naissant
Que ces hommes de bien que le public admire,
Qui sur le préjugé d’un vertueux délire
N’embrassent le parti des autels ou des lois
Que pour tyranniser les peuples ou les rois.
J’aperçois Cicéron ; laisse-nous seuls, Mécène ;
Que sa douleur me trouble et me cause de peine !


Scène II

Octave, Cicéron.
Octave

 À votre nom célèbre on doit trop de respect
Pour croire que le mien vous puisse être suspect ;
Quoique des triumvirs il ait lieu de se plaindre
Cicéron