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Et que dit-on ?

Barsine.

Qu'une perfide main
Du malheureux Xerxès vient de percer le sein.

Artaban.

Que peut vous importer cette affreuse nouvelle ?
Et quel soin si pressant près de moi vous appelle ?

Barsine.

On dit que Darius de ces barbares coups,
Peut-être injustement, est accusé par vous ;
Je vois qu'ici pour lui tous les coeurs s'intéressent.

Artaban.

Je vois, en sa faveur, que trop de soins vous pressent ;
C'est vous inquiéter du sort d'un malheureux
Plus que vous ne devez, et plus que je ne veux.

Barsine.

Je vois qu'ici 'envie attaque votre gloire ;
Pour moi, je sais, Seigneur, tout ce que j'en dois croire.
Mais si malgré l'horreur d'un si noir attentat,
Vous pouviez conserver Darius à l'État,
Les Perses enchantés de sa valeur suprême,
Croiraient ne le devoir désormais qu'à vous-même ;
En les satisfaisant, vous pourriez aujourd'hui
De ce prince, d'ailleurs, vous faire un sûr appui.
Rendez à l'univers ce héros magnanime,
Que, malgré vous, le peuple absout déjà du crime.

Artaban.

C'est-à-dire qu'il faut, pour contenter vos voeux,
Que je mette aujourd'hui le crime entre nous deux,
Et peut-être, bien plus, pour sauver le perfide,
Que je me charge ici moi seul du parricide ?
Fille indigne de moi, qui crois m'en imposer,
Ce n'est pas à mes yeux qu'il faut se déguiser ;
Les coeurs me sont ouverts, rien ne te sert de feindre ;
Des faiblesses du tien parle sans te contraindre ;
Dis-moi que pour l'ingrat ton lâche cœur épris,
Des transports les plus doux paye tous ses mépris ;
Que ce cœur démentant et sa gloire, et ma haine,
Le soin de le sauver est le seul qui t'amène ;
Et je te répondrai ce qu'un cœur généreux
Doit répondre indigné d'un amour si honteux.
Lâche, pour ton amant, n'attends aucune grâce,
La pitié dans mon cœur n'a jamais trouvé place ;
Pour peu qu'à l'émouvoir elle ose avoir recours,