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Darius est perdu, sa tête infortunée
Sous le couteau mortel va tomber condamnée ;
De ma fureur sur lui rejetant les horreurs,
De la soif de son sang j'ai rempli tous les coeurs.
De leur amour pour lui je ne crains plus l'obstacle ;
Sa tête, à ses sujets triste et nouveau spectacle,
Va me servir enfin, dans ce jour éclatant,
De degré pour monter au trône qui m'attend.
Il ne me reste plus qu'à frapper Artaxerce ;
Il est si peu fameux, si peu cher à la Perse,
Que parmi les frayeurs d'un peuple épouvanté,
À peine ce forfait me sera-t-il compté.
À travers tant de joie un seul souci me reste,
C'est de mes attentats le complice funeste ;
Le lâche Tysapherne indigne d'être admis
À l'honneur du forfait que ma main a commis ;
Je l'ai vu, dans le temps que mon cœur magnanime
S'immolait sans frémir une illustre victime,
Pâlir d'effroi, m'offrir d'une tremblante main
Le secours égaré d'un vulgaire assassin ;
On eût dit, à le voir dans ce moment terrible,
Où le sang et les cris me rendaient inflexible,
Considérer l'autel, la victime et le lieu,
Que sa main sacrilège allait frapper un dieu.
Dès qu'à de tels forfaits l'ambition nous livre,
Tout complice un moment n'y doit jamais survivre ;
C'est vouloir qu'un secret soit bientôt révélé :
Ou complice, ou témoin, tout doit être immolé.
Tandis qu'ici la nuit répand encore ses ombres,
Précipitons le mien dans les royaumes sombres ;
Il faut que de ce fer teint d'un si noble sang,
Pour prix de sa pitié, je lui perce le flanc.
Allons... Mais quel objet à mes yeux se présente !

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Scène II

Artaban, Barsine.
Barsine.

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Seigneur, vous me voyez éperdue et tremblante ;
Je vous cherche, le cœur plein d'horreur et d'effroi.
Quelle affreuse nouvelle a passé jusqu'à moi !
Tout se remplit ici de troubles et d'alarmes ;
Vos gardes désolés versent partout des larmes.
On dit...

Artaban.