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Traître, on n'est pas toujours tout ce que l'on paraît.
Mais d'un crime si noir il est plus d'un complice,
Le cruel n'a pas seul mérité le supplice.
Seigneur, apprenez tout : c'est moi qui cette nuit
L'ai, dans ces lieux sacrés, en secret introduit ;
Comme il ne demandait qu'à revoir la princesse,
Touché de ses malheurs, j'ai cru qu'à sa tendresse
Je pouvais accorder ce généreux secours ;
Mais tandis qu'à servir ses funestes amours,
Loin de ces tristes lieux m'occupait le perfide,
Sa main les a souillés du plus noir parricide.
De mes soins pour l'ingrat j'allais voir le succès,
Quand passant près des lieux retraite de Xerxès,
Dont une lueur faible éclairait les ténèbres,
Votre nom, prononcé parmi des cris funèbres,
M'a rempli tout à coup, et d'horreur, et d'effroi.
J'entre ; jugez, Seigneur, quel spectacle pour moi,
Quand ce prince, autrefois si grand, si redoutable,
Des pères malheureux exemple déplorable,
S'est offert à mes yeux sur son lit étendu,
Tout baigné dans son sang lâchement répandu ;
Qui de ce même sang, mais d'une main tremblante
Nous traçait de sa mort une histoire sanglante,
Puisant dans les ruisseaux qui coulaient de son flanc,
Le sang accusateur des crimes de son sang ?
Monument effroyable à la race future !
Caractères affreux dont frémit la nature !
Ce prince, à mon aspect, rappelant ses esprits,
S'est fait voir dans l'état où ce traître l'a mis.
Tu frémis, m'a-t-il dit, à cet objet funeste ;
Tu frémiras bien plus quand tu sauras le reste,
Quelle barbare main a commis tant d'horreurs.
Cher Artaban, approche, et lis par qui je meurs :
Le fils cruel que j'ai dépouillé de l'empire,
Dans le sein paternel... À ces mots il expire !
Traître, d'aucun remords si ton cœur n'est pressé,
Viens voir ces traits de sang où ton crime est tracé.

Darius.

Où tend de ce trépas la funeste peinture ?
Crois-tu par ce récit prouver ton imposture ?
Ne crois pas ébranler un cœur comme le mien,
Je confondrai bientôt l'artifice du tien.
Dis-moi, traître, dis-moi, puisque mon innocence
Est contre un tel témoin, réduite à la défense,