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D'un secret, sur ce point, j'ai voulu vous instruire.
L'orgueilleux Darius dépouillé de ses droits,
N'a plus rien à prétendre au rang de roi des rois.
Artaxerce aujourd'hui paré de ce grand titre,
Du sort de l'univers est devenu l'arbitre.
Je vois à ce discours votre cœur s'émouvoir ;
Mais d'un profond respect écoutez le devoir ;
Et de quelque douleur que vous soyez atteinte,
J'interdis à vos feux le reproche et la plainte.
Surtout, si Darius vous est cher aujourd'hui,
Cachez-lui des secrets qui ne sont pas pour lui.

Amestris.

Ah ! Seigneur, pardonnez au transport qui m'agite.
En vain à mon amour la plainte est interdite ;
Après le coup affreux dont vous frappez mon cœur,
Rien ne peut plus ici contraindre ma douleur ;
Qu'elle éclate à vos yeux cette douleur mortelle,
À qui vous imposez une loi si cruelle.
Juste ciel ! se peut-il qu'un fils victorieux,
Votre image, ou plutôt l'image de nos dieux,
Soit privé par vous seul à l'honneur de prétendre
À ces mêmes États qu'il sait si bien défendre ?
Pardonnez, je sais bien qu'il ne m'est pas permis
De prononcer, Seigneur, entre vous et vos fils ;
Mais si jamais des dieux la majesté suprême,
Prenant soin sur un front de s'empreindre elle-même,
Si l'éclat des vertus, la gloire des hauts faits,
Le besoin de l'empire et les voeux des sujets,
En un mot, si jamais la valeur, la naissance
Furent des droits, Seigneur, pour la toute-puissance,
Qui mieux a mérité ce haut degré d'honneur
Que celui qu'on en prive avec tant de rigueur ?
Je vois de mes discours que votre cœur s'offense.
Mais, Seigneur, d'un héros j'entreprends la défense ;
Il a tant fait pour vous que Xerxès aujourd'hui
Ne doit pas s'offenser que je parle pour lui ;
Heureuse si l'amour instruisait la nature
À le dédommager d'une cruelle injure.

Xerxès.

D'un choix qui pour ce fils vous semble injurieux,
Madame, je ne dois rendre compte qu'aux dieux ;