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Et peut former en moi de si tristes accents ?
D'où vient que je frissonne ? Et quel est donc mon crime :
Me serais-je mépris au choix de la victime ?
Ou le sang des romains est-il si précieux
Qu'on n'en puisse verser sans offenser les dieux ?
Par mon ambition, d'illustres destinées,
Sans pitié, sans regrets, ont été terminées ;
Et lorsque je punis qui m'avait outragé,
Mon faible cœur craint-il de s'être trop vengé ?
D'où peut naître le trouble où son trépas me jette ?
Je ne sais ; mais sa mort m'alarme et m'inquiète.
Quand j'ai versé le sang de ce fier ennemi,
Tout le mien s'est ému, j'ai tremblé, j'ai frémi.
Il m'a même paru que ce romain terrible,
Devenu tout à coup à sa perte insensible,
Avare de mon sang quand je versais le sien,
Aux dépens de ses jours s'est abstenu du mien.
Je rappelle en tremblant ce que m'a dit Arsame.
Éclaircissez le trouble où vous jetez mon âme,
Écoutez-moi, mon fils, et reprenez vos sens.

Rhadamisthe

Que vous servent, hélas ! Ces regrets impuissants ?
Puissiez-vous, à jamais ignorant ce mystère,
Oublier avec lui de qui vous fûtes père !

Pharasmane

Ah ! C'est trop m'alarmer ; expliquez-vous, mon fils.
De quel effroi nouveau frappez-vous mes esprits !
Mais pour le redoubler dans mon âme éperdue,
Dieux puissant, quel objet offrez-vous à ma vue !



Scène VII.

Pharasmane, Rhadamisthe, porté par des soldats ; Zénobie, Arsame, Hiéron, Mitrane, Hydaspe, Phénice, Gardes.
Pharasmane

Malheureux, quel dessein te ramène en ces lieux ?
Que cherches-tu ?

Rhadamisthe

Je viens expirer à vos yeux.

Pharasmane

Quel trouble me saisit !

Rhadamisthe

Quoique ma mort approche,