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Scène III.

Rhadamisthe

, seul.

Ainsi, père jaloux, père injuste et barbare,
C'est contre tout ton sang que ton cœur se déclare !
Crains que ce même sang, tant de fois dédaigné,
Ne se soulève enfin, de sa source indigné,
Puisque déjà l'amour, maître du cœur d'Arsame,
Y verse le poison d'une mortelle flamme.
Quel que soit le respect de ce vertueux fils,
Est-il quelques rivaux qui ne soient ennemis ?
Non, il n'est point de cœur si grand, si magnanime,
Qu'un amour malheureux n'entraîne dans le crime.
Mais je prétends en vain l'armer contre son roi :
Mon frère n'est pas fait au crime comme moi.
Méritais-tu, barbare, un fils aussi fidèle ?
Ta rigueur semble encore en accroître le zèle :
Rien ne peut ébranler son devoir ni sa foi ;
Et toujours plus soumis... quel exemple pour moi !
Dieux, de tant de vertus n'ornez-vous donc mon frère,
Que pour me rendre seul trop semblable à mon père ?
Que prétend la fureur dont je suis combattu ?
D'un fils respectueux séduire la vertu ?
Imitons-la plutôt, cédons à la nature :
N'en ai-je pas assez étouffé le murmure ?
Que dis-je ? Dans mon cœur, moins rebelle à ses lois,
Dois-je plutôt qu'un père en écouter la voix ?
Pères cruels, vos droits ne sont-ils pas les nôtres ?
Et nos devoirs sont-ils plus sacrés que les vôtres ?
On vient : c'est Hiéron.


Scène IV.

Rhadamisthe, Hiéron.
Rhadamisthe

Cher ami, c'en est fait ;
Mes efforts redoublés ont été sans effet.
Tout malheureux qu'il est, le vertueux Arsame,
Presque sans murmurer, voit traverser sa flamme :
Et qu'en attendre encor quand l'amour n'y peut rien ?
Hiéron, que son cœur est différent du mien !
J'ai perdu tout espoir de troubler l'Ibérie,