Le roi vient. Que mon cœur à ce fatal abord,
A de peine à dompter un funeste transport !
Surmontons cependant toute sa violence,
Et d'un ambassadeur employons la prudence.
Scène II.
Un peuple triomphant, maître de tant de rois,
Qui vers vous en ces lieux daigne emprunter ma voix,
De vos desseins secrets instruit comme vous-même,
Vous annonce aujourd'hui sa volonté suprême.
Ce n'est pas que Néron, de sa grandeur jaloux,
Ne sache ce qu'il doit à des rois tels que vous :
Rome n'ignore pas à quel point la victoire
Parmi les noms fameux élève votre gloire :
Ce peuple enfin si fier, et tant de fois vainqueur,
N'en admire pas moins votre haute valeur.
Mais vous savez aussi jusqu'où va sa puissance :
Ainsi gardez-vous bien d'exciter sa vengeance.
Alliée, ou plutôt sujette des romains,
De leur choix l'Arménie attend ses souverains.
Vous le savez, Seigneur ; et du pied du Caucase
Vos soldats cependant s'avancent vers le Phase ;
Le Cyrus, sur ses bords chargés de combattants
Fait voir de toutes parts vos étendards flottants.
Rome, de tant d'apprêts qui s'indigne et se lasse,
N'a point accoutumé les rois à tant d'audace.
Quoique Rome, peut-être au mépris de ses droits,
N'ait point interrompu le cours de vos exploits,
Qu'elle ait abandonné Tigrane et la Médie,
Elle ne prétend point vous céder l'Arménie.
Je vous déclare donc que César ne veut pas
Que vers l'Araxe enfin vous adressiez vos pas.
Quoique d'un vain discours je brave la menace,
Je l'avouerai, je suis surpris de votre audace.
De quel front osez-vous, soldat de Corbulon,
M'apporter dans ma cour les ordres de Néron ?
Et depuis quand croit-il qu'au mépris de ma gloire,
À ne plus craindre Rome instruit par la victoire,
Oubliant désormais la suprême grandeur,