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coupable. N’eſt-il donc pour vous d’aucune conſéquence d’ignorer ce que peuvent ſur vous de certaines idées ? Oſerez-vous compter ſur vous-même, quand vous ne vous ſerez pas éprouvée ? Ainſi donc, ménageant toujours votre ame, vous ignorerez toujours quelles ſont ſes forces. Almaïde, croyez-moi, l’on ne craint jamais aſſez un danger que l’on ne connoît pas, & l’on ne tombe ordinairement que, pour avoir trop compté ſur ſoi-même. Vous ne pouvez donc peſer trop ſur toutes les circonſtances de votre hiſtoire : ce n’eſt que par l’effet qu’elles feront aujourd’hui ſur vous, que vous pourrez apprendre juſqu’où vont les progrès que vous avez faits dans le chemin de la vertu, ou (ce qui eſt encore plus eſſentiel) ce qu’il vous reſte encore à détruire, pour parvenir à cette averſion totale des plaiſirs, qui, ſeule, fait les vertueux.

Je vous obéirai aveuglément, répondit Almaïde. Vous venez de me faire ſentir que la vanité ſeule me fermoit la bouche, & je vais m’en punir, en vous confiant, ſans déguiſement, les circonſtances de mon aventure, qui me mortifient le plus.

Je vous ai dit, ce me ſemble, que ce jeune homme m’avoit renverſée ſur un ſopha : je