Page:Crébillon - Le Temple de Vénus, 1777.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à s’y complaire. Cela n’eſt pas douteux, puiſque vous le croyez, répondit-elle ; & je n’ai garde de me faire des ſcrupules, quand il vous paroît que je n’en dois pas avoir.

Vous ne devineriez jamais, lui dit-il, la curioſité qui m’occupe ; je n’oſe vous le découvrir, parce que je la crois indiſcrete, & je ne puis cependant y réſiſter. Je voudrois ſavoir ſi jamais on ne vous a fait de propoſitions d’un certain genre ; ſi jamais enfin, (pour vous montrer ma curioſité toute entière, ) vous n’avez eſſuyé les tranſports d’aucun homme, ſoit volontairement, ſoit malgré vous ?

A cette queſtion, qu’Almaïde n’avoit pas prévue, elle demeura étonnée, rougit, & parut rêver. Enfin, prenant ſon parti : mais oui, répondit-elle, avec embarras ; &, puiſque vous voulez le ſavoir, je vous avouerai naturellement qu’un jour, un jeune étourdi, qui, (car je ne veux rien vous diſſimuler) malgré mon averſion pour les hommes, me paroiſſoit aſſez aimable, me trouvant ſeule, me dit de ces galanteries que les hommes croient nous devoir, quand nous ſommes parvenues à cet âge heureux, qui ne leur inſpire pour nous que du reſpect, ou que nous ſommes aſſez à plaindre pour avoir une