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naturellement, devoient y rendre mon ame moins acceſſible. Quelquefois, je le combattois avec aſſez de ſuccès : dans d’autres tems, moins forte contre lui malgré moi-même, il m’aſſerviſſoit, entraînoit mon imagination, ſe ſoumettoit toutes mes facultés. Que ces honteux mouvemens ſubjuguent une ame qui ſe plaît à les nourrir, & qui ne ſe trouve heureuſe qu’autant qu’elle y eſt en proie ! Je n’en ſuis pas ſurpriſe ; mais pourquoi y eſt-on expoſé, quand on fait le plus grand & le plus continu de ſes foins, de les anéantir ?

Ce que l’on appelle ſageſſe, répondit Moclès, conſiſte beaucoup moins à n’être pas tenté, qu’à ſavoir triompher de la tentation ; & il y auroit trop peu de mérite à être vertueux, ſi, pour l’être, l’on n’avoit pas d’obſtacles à ſurmonter. Mais puiſque nous en ſommes ſur ce chapitre, dites moi, de grace, depuis que vous êtes dans cet âge, où le ſang, coulant dans les veines avec moins d’impétuoſité, nous rend moins ſuſceptibles de deſirs, avez-vous encore ces momens affreux ? Ils ſont beaucoup moins fréquens, répartit elle, mais j’y ſuis encore ſujette. Je ſuis auſſi dans le même cas, répondit-il, en ſoupirant.