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mes triomphes : ce que je perds d’un côté, il me ſemble que je veuille le regagner de l’autre, & je ne ſais ſi je ne dois pas craindre que vous n’attribuyez à orgueil, un aveu que je ne vous fais que pour éviter le menſonge.

En achevant ce modeſte diſcours, Moclès baiſſa les yeux. Oh ! vous ne riſquez rien avec moi, lui dit vivement Almaïde ; je vous connois. Eh bien ! vous avez donc été quelquefois tenté de ſuccomber ? Vous ne m’étonnez pas. On a beau marcher d’un pas conſtant à la perfection, on n’y arrive jamais. Ce que vous dites n’eſt malheureuſement que trop prouvé, répondit-il. Hélas ! s’écria-t-elle douloureuſement, penſez-vous donc que j’aie tant à me louer de moi-même, & que je ſois exempte de ces foibleſſes que vous vous reprochez ? Quoi ! lui dit-il, vous auſſi, Almaïde ? J’ai trop de confiance en vous, pour vouloir rien vous cacher, reprit-elle, & je vous avouerai que j’ai eu cruellement à combattre. Ce qui m’a long-tems étonnée, & qu’encore aujourd’hui je ne conçois pas, c’eſt que ce trouble, qui s’empare des ſens & les confond, ſoit indépendant de nous-mêmes : cent fois, il m’a ſurpriſe dans les occupations les plus ſérieuſes, & qui,