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vous entraîner, que vous êtes galans par état. Cela n’eſt pas exactement vrai pour tous les hommes, répondit-il, puiſqu’il y en a beaucoup à qui leur état même interdit cette frénéſie de l’ame, que l’on appelle le plaiſir d’aimer : moi, par exemple, je ſuis dans ce cas-là. Quand cela ne ſeroit pas, repliqua-t-elle, né aſſez heureux pour être inacceſſible aux paſſions, vous auriez toujours…… Ici, Moclès leva les yeux au Ciel, en ſoupirant. Quoi ! continua Almaïde, vous reprocheriez-vous quelque choſe ? Ah, Moclès ! ſi vous n’êtes pas content de vous-même, qui peut oſer l’être de ſoi ? Quoi ! vous auriez voulu connoître l’amour ? Oui, répondit-il triſtement. Cet aveu m’humilie, mais je le dois à la vérité. Il eſt vrai auſſi que je n’ai pas cédé à cette funeſte tentation. En vous avouant que j’ai été quelquefois obligé de combattre, je me montre ſans doute, à vos yeux, avec des foibleſſs dont, à votre étonnement, je vois bien que vous ne me croyez pas capable ; mais en vous tirant d’une erreur qui m’étoit avantageuſe, je crains de vous faire encore trop bien penſer de moi. Il eſt moins humiliant d’être tenté, qu’il n’eſt glorieux de réſiſter à la tentation. En vous confiant mes foibleſſes, je ſuis forcé de vous parler de