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même ne paroiſſoit pas être plus contente. Enfin, les laiſſoit-on ſeuls, leurs viſages reprenoient cette joie que reſſentent deux Amans, qui, long-tems troublés par une viſîte importune, ont enfin le bonheur de pouvoir ſe livrer à leur tendreſſe. Almaïde & Moclès s’approchoient l’un de l’autre avec empreſſement, ſe plaignoient de ce qu’on ne les laiſſoient pas aſſez à eux-mêmes, & ſe regardoient mutuellement avec une extrême complaiſance. C’étoit à peu près la même façon de ſe parler, mais ce n’étoit plus le même ton ; ils vivoient enfin avec une familiarité qui devoit les mener d’autant plus loin, qu’ils s’étourdiſſoient ſur ce qui l’avoit fait naître.

Moclès, un jour, louoit exceſſivement Almaïde ſur ſa vertu. Pour moi, dit-elle, il n’eſt pas bien ſîngulier que j’aie été ſage : dans une femme, les préjugés aident la vertu ; mais dans un homme, ils la corrompent : c’eſt une eſpece de ſottiſe à vous de n’être pas galans ; en nous, c’eſt un vice de l’être. Vous avez dû, vous, par exemple, qui me louez, en ne penſant que comme moi, mériter pourtant plus d’eſtime. A ne pas examiner les choſes avec cette exactitude de raiſonnement, qui les montre telles qu’elles