Page:Crébillon - Le Temple de Vénus, 1777.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il eſt bien vrai qu’après en avoir vivement étalé tous les charmes, ils en exagéroient la honte & les dangers. Ils convenoient même que la vraie félicité ne ſe trouve que dans le ſein de la vertu ; mais ils en convenoient ſagement, & comme d’une vérité trop généralement reconnue, pour avoir beſoin d’être diſcutée. Ce n’étoit pas avec la même rapidité qu’ils faiſoient l’examen du plaiſir ; ils s’étendoient ſur une matiere ſi intéreſſante, & s’appeſantiſſoient ſur les détails les plus dangereux, avec une confiance dont il y avoit lieu de craindre qu’ils pourroient être la dupe.

Il y avoit au moins un mois que, tous les ſoirs, ils s’amuſoient de ces peintures vives, ſi peu faites pour eux, & que, quelque ſujet qu’ils traitaſſent d’abord, ils retomboient toujours ſur celui qu’ils auroient dû éviter. Moclès, de qui inſenſiblement ces diſcours avoient adouci l’humeur, venoit chez Almaïde plutôt qu’à ſon ordinaire, s’y amuſoit davantage, & en ſortoit plus tard. Almaïde, de ſon côté, l’attendoit avec impatience, le voyoit avec plus de plaiſir, l’écoutoit avec moins de diſtraction. Quand Moclès arrivoit chez elle, & qu’il y trouvoit du monde , il y avoit l’air contraint & embarraſſé, & elle-